Musique et image

quelques remarques préliminaires

Comment l’image apparaît, prend place, dans le travail du compositeur; et au-delà de l’image, l’espace et ses transformations, certains événements à priori éloignés de la musique?

Que les musiciens aient toujours utilisé des textes, des espaces scéniques ou des lieux urbains pour les investir, cela nous est familier et partant de là, nous serions tenté de voir comme seul apport nouveau -au regard de cette tradition- ce que les technologies récentes nous proposeraient. Comme si tout se passait en analogie avec l’ancien opéra, ou plus simplement dans une mélodie où, pour atteindre un but esthétique particulier, le compositeur a besoin d’un texte ( Gustav Mahler: « Lorsque je conçois un grand tableau musical, il advient toujours un moment ou s’impose nécessairement le mot comme base de ma pensée musicale ») … Or, il n’y a pas que les technologies -et les objets- qui changent, mais également, et surtout, nos perceptions des choses:

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Schattenhaft

la musique et les images sont composées indépendamment l’une de l’autre et leur synchronisation a été opérée depuis son centre, là où la main applique un accord sur le clavier. Une autre version musicale s’applique en variation à ces images, de même la musique peut être entendue seule.



Tempo Furioso

En premier lieu Tempo Furioso est un disque enregistré en 1975 dans la collection Nova Musicha Ed. CRAMPS records (Milan).

Ce disque était conçu comme support pour une écoute en mélange sur plusieurs platines, l’auteur invitant à poser les têtes de lecture aléatoirement sur les deux faces du disque. Pour une écoute qui ne doit pas se faire linéairement, mais en mixage opéré par l’auditeur, préfigurant ce que les technologies d’aujourd’hui nous permettent.

Ici, un nouveau mixage est proposé en images réalisé en 2008.

remarques suite:

manifestement le compositeur a d’autres moyens, aujourd’hui, pour intervenir dans un lieu qui n’est pas, dans sa première destination, musical. Et si par ailleurs on n’a pas abandonné les modes d’expression traditionnels ( on continue à composer des mélodies et des opéras…), d’autres spécialisations ont vu jour dans notre siècle – par exemple le métier de compositeur de musiques de films. Cependant, déjà au delà, on entrevoit des réalisations bien différentes. Précisément ces nouvelles technologies ne constituent-elles pas ce lieu-même à partir duquel la relation de la musique à ce qui n’est pas musical (sonore) se trouverait bousculée? Le compositeur ne s’inscrit pas uniquement dans un texte (dans un cadre) déjà existant: et lorsqu’il a besoin du « mot » c’est simultanément que prennent part, à son travail de composition les éléments non sonores. Lieux, images, projections, scénarios… C’est lui qui écrira, qui imaginera -bien entendu il s’agit d’œuvres spécifiques- les parties (« voix ») et objets plastiques, filmiques, etc. d’égale importance à ceux de l’articulation des sons. La musique n’est pas celle d’un complément,d’un accompagnement, de même que le visuel ne produira jamais une simple ambiance d’images et de Lumières. Au-delà des nombreuses variations graphiques des écritures musicales où non seulement les frontières sont repoussées mais ouvertes à des vents nombreux… Un texte à lire sera matérialisé par une projection dans l’espace, voire par la création d’un lieu. Le schéma linéaire est lisible spatialement et s’inscrit dans l’action musicale ou autre (image, scène…): transformation de la lecture = transformation de l’espace conduit au changement du jeu ( cela étant réversible). Le substrat se coule dans celui du « support » : par ces images… espaces… etc., nous écrivons un livre des formes -et non pas une simple mise en forme – des lieux et du temps des choses à lire. en marge: « C’est comme si la musique existait déjà en latence à peine dissimulée dans ce qui nous entoure, dans l’agglomération des choses et dans le cours des événements. Musique comme activité incessante sans commencement ni fin; en ceci précisément qu’elle n’est pas une activation, mais un état, une situation et un temps? Et une écoute, celle des choses et la nôtre. Le geste qui fait entendre et celui qui prend des notes: écouter, c’est décrire et reproduire; dessiner, photographier, filmer, enregistrer. c’est visiter des lieux, un peu au hasard, sans aucune intention particulière, traverser des endroits que d’habitude on ne regarde pas, prendre garde à ce qui se passe sans s’en apercevoir. Une telle musique tient quelque chose d’un journal – jour et nuit- et ressemble aux blocs-notes, carnets et agendas de voyage. Ce sont des signes rapidement esquissés, des observations hâtives; le tout sans cadre, sans arrière ni avant plans. « … « Lire à travers des partitions . Les caractères sont espacés. Les portées s’interrompent: la plupart des signes ont déjà disparu, les autres continuent encore un peu, dans le vide. Le son s’est arrêté, il y a longtemps. Une image apparaît Les restes des figures musicales sont visibles à travers d’autres signes. Sans que les uns interposent un écran aux autres. Ces figures où tout est surface, sont-elles des indications pour une réalisation musicale, ou le synopsis d’un objet audio-visuel, théâtral, filmique; environnement et scénographie ? Maintenant les objets viennent de toute part, c’est une polyphonie où toutes les voix ne sont pas nécessairement celles de la musique. La partition est ex-posée, elle a quitté le pupitre et la table de travail; il pleut: on voit les arbres à travers le texte, les instruments sont ensablés. Les espacements restent indéfinis -ceux des signes sur une page et ceux entre les pages; l’arbre peut être plus petit qu’un caractère imprimé; ici une seule contrebasse, qui s’exerce pianissimo, dissimule le son de la mer, là, tout l’orchestre est recouvert, rendu presque inaudible, par la pluie. « *

* M.Davorin Jagodic: in « La Copie de la Copie »