Diverso 2

performance au ‘1er Festival International de Poésie’ de Cogolin 1984

En renonçant à sa première destination, la page musicale déviée s’amplifiera jusqu’à devenir elle‑même l’espace: le volume, lieu, exposition. A l’inverse, un événement spatial sera mis à plat; tout éclat a disparu, la trace, ou ce qu’il en reste, souvent à peine discernable est suffisamment éloignée de l’œuvre pour empêcher toute communication avec celle‑ci; a fortiori, toute continuation est impossible. La musique n’accompagne pas, mais se fait elle‑même diapositive et photo, rétroprojection et film; schéma des jeux, puzzles et objets; dispositifs technologiques. Les dimensions en sont incertaines, les objets s’interpénètrent: musique ‑ pantographe, répétitivement, d’une variation à l’autre, en reprenant consécutivement les points d’arrivée, s’agrandit sans cesse: c’est aussi cette horloge solaire dont les rayons seraient prolongés jusqu’à recouper les méridiens, pour s’inscrire sur la carte des fuseaux horaires. Mais, si tout objet peut prendre une figure musicale, cela ne ce produit pas « comme si » les objets cherchaient à fonctionner à la place des sons. Auquel cas, il s’agirait soit d’une critique, soit de l’impuissance à se substituer avec force aux objets manquants, ou encore, des deux à la fois: le « comme si » reste enchaîné à ce qui manque. Le travail de la copie déviée, ne se situe pas sur le terrain resté vide; si l’on peut parler de simulacre et de mimesis, c’est que le « simulacre » est maintenant lui‑même un « original ». De cette façon, non seulement il s’oppose globalement à toute idée d’une origine, mais montre qu’un original n’est qu’un moment local, en dévoilant sa fragilité. La copie de la copie n’est pas un domaine conceptuel où précisément une critique du type « comme si » l’aurait enfermé; son utopie est productive, mais ne se soucie pas de champs. Ceux–ci, indéfinis, à dimensions changeantes, les matériaux et les processus ne peuvent être qu’incertains et leur temps polyphonique.

in: « La copie de la copie » Thèse de Philosophie Univ.Paris8, 1980

PIÈCES POUR RÉTROPROJECTEUR(S)

Les pièces de rétroprojection montrent comment se constitue le temps.

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Géographica recouvre un ensemble d’éléments graphiques et d’objets à mettre en œuvre dans le cadre d’une présentation publique. On y trouvera également quelques textes publiés dans la revue « Le Lumen » (Géographies 1985).

La mappemonde  est découpée selon les pièces d’un puzzle. La performance se joue avec deux rétroprojecteurs et deux écrans. Sur le projecteur de gauche la carte cohérente du monde est posée tandis que l’écran de droite reste vide. Pendant que le joueur de gauche A retire une pièce, cette pièce identique est déposée par le joueur B sur le rétroprojecteur de droite. Mais celle-ci occupe un autre endroit de l’écran, et, pièce à pièce, c’est une nouvelle configuration du monde qui va s’installer sur l’écran de droite tandis que se vide l’écran à gauche.

Plusieurs cartes sont proposées et un grand nombre de configurations sont réalisables avec le même puzzle.

Une page suggère d’attribuer une indication musicale à chacune des pièces. Ainsi des musiciens peuvent choisir librement dans la littérature musicale des bribes, accords … pour une interprétation sonore simultanément aux manipulations des deux joueurs. Il ne s’agira en aucun cas d’y faire correspondre des bruits en illustration.

On retrouve sous ‘Géographica’ une séquence des ‘Pièces pour rétroprojecteurs’ qui s’enchaînent. Là ce sont des cartes sur lesquelles l’auteur intervient avec différents objets, à la fois comme jouerait un enfant ou un stratège avec ses symboles et ses instruments; des avions traversent l’espace de projection, des lignes se forment, la tempête menace annonçant la pièce suivante; ‘War Pieces’…

En aucun cas l’image ne cherche à fabriquer des sujets dont les projets et activités feraient oublier le temps; au lieu de le refouler, de l’occulter, les productions et projections de l’image l’objectivent. L’image se fait et varie sous nos yeux. L’écriture est complètement séparée du son; ce dernier, s’il intervient, ne cherche pas à établir une relation avec le visuel. Écrire, ce n’est pas confectionner un support pour que le son retentisse; l’écriture cesse d’être un intermédiaire dans la chaîne de production de sons, un passage entre le concept et sa réalisation. En ceci précisément qu’elle est vue en tant que passage et seulement ainsi. Passage du temps: écrire, dessiner, relier les points; montrer, distribuer, mesurer. Contracter, dilater et arrêter. Recommencer.

L’écriture ne se traduit pas en sons. Elle résonne, appose les marques et frappe les coups, retentit, se fait reconnaître : empreinte et signe, elle se constitue sans jamais devenir son propre journal. Le passage écriture —-> timbre n’est plus une circonlocution, mais la plus petite distance entre la trace et l’oreille. Ce n’est ni un choc arrondi, ni un « reflet du ton déchiré », encore moins un cri de détresse. L’écriture déjoue les forces du « tour de force », elle n’a pas à faire apparaître dans la clarté ce qui est une aporie. Le son de l’écriture est silencieux. Un silence qui n’est pas le signe de quelque chose: mais c’est signe-silence-écriture. Ainsi, l’identité de ce qui manque et de la marque fait aussi (se) démarquer. Par rapport aux bruits du monde, la musique a toujours été un « autre bruit ». Mais dans le monde. Extériorisé. (Et il y a beaucoup de musiques, des commencements, des fins quelquefois, certains adagio peut-être qui sont des silences composés.)

Maintenant, l’écriture qui se démarque, se sépare du son, supprime les limites, celles dressées entre son-bruit-silence et elle-même. L’écriture n’interprète pas, ne (se) transpose pas, mais se loge instantanément dans notre oreille. Le temps se dessine; l’image est transparente.

D’autres images, aux durées indépendantes et aux processus autonomes peuvent apparaître, sans qu’elles soient produites par le temps réel; elles ne s’ajoutent pas aux premières, tel un détail simplement additionné à un autre détail. Elles ne s’y opposeront pas non plus; il ne s’agit pas d’un complément et d’une variante, lesquels finiraient -et c’est précisément leurs rôle et fonction- par affirmer, contradictoirement la primauté des premières images et mettre en relief leur caractère essentiel.

Ni contingence, ni unité, mais polyphonie de temps.